La procrastination : amie ou ennemie ?
« Aujourd’hui peut-être, ou alors demain » … Ces quelques mots extraits d’une chanson interprétée par Fernand Sardou en 1946, résument à eux seuls ce qu’est la procrastination : l’habitude de remettre au lendemain ou à plus tard ce que l’on peut faire le jour même (pro, en latin : « en avant » et crastinus : « le lendemain »). Concept qui, on le voit, ne date pas d’hier ! Et si le texte de la chanson, devenu célèbre semble faire l’éloge de la procrastination ; celle-ci souffre pourtant d’une image négative (manque d’ambition, paresse, état dépressif, névrose…). Mais peut-être, au fond, Fernand Sardou avait-il raison ? Reporter au lendemain pourrait-il avoir des côtés vertueux ?
La procrastination vue sous l’angle de la psychologie
En psychologie, le terme « procrastiner » renvoie à la tendance qu’à une personne, à repousser à plus tard certaines activités qu’elle estime pourtant prioritaires, et à les remplacer par des tâches plus secondaires ; voire à ne rien faire du tout ! S’installe alors un sentiment d’infériorité, d’insatisfaction et de vulnérabilité qui traduisent la présence de nombreux maux chez les individus concernés. La procrastination serait ainsi, pour certains thérapeutes, le signe de troubles du comportement tels que l’anxiété, l’angoisse liées à un comportement compulsif, la peur de l’échec ou même de la réussite - toutes deux étant interprétées comme un manque de confiance et un amour de soi affaiblie - l’apathie, les difficultés de concentration, le manque de motivation, ou encore une faible estime de soi. Le procrastinateur est alors quelquefois jugé inapte à réfréner son impulsion à fuir ses peurs et ce qu’il juge désagréable. La procrastination serait interprétée comme un signe d’immaturité et d’inadaptation à notre société. Les conséquences de ce phénomène se traduirait par un sentiment constant de culpabilité et une accentuation du stress provoqué par le jugement social ou une stigmatisation qui en découlent : fuite de ses responsabilités, création de mauvaises habitudes, manque d’ambition, découragement, paresse etc.
Et si la procrastination était une arme « anti – pression » ?
Sortons du champ de la psychologie, et observons le procrastinateur sous un prisme plus philosophique. S’il était tout simplement un individu plaçant son plaisir et son épanouissement avant ce que les préjugés populaires placent comme étant des priorités sociales ? La procrastination serait alors plutôt un art ; celui de reprendre le contrôle de sa vie et de faire abstraction des injonctions venues de l’extérieur. Par ailleurs, le procrastinateur est peut-être doté d’une intuition plus aiguisée que la normale, lui indiquant quel est le bon moment pour faire les choses. Qui n’a pas connu l’expérience de l’appel téléphonique que « l’on ne sent pas » mais que l’on passe quand même parce qu’il figure à l’agenda ? Et qui, in finé, s’avère être un fiasco ! Ce qui tendrait à prouver qu’écouter son intuition serait tout aussi précieux que d'écouter son corps. Il n'est donc pas forcément utile de vaincre la procrastination mais plutôt d’écouter ce que révèle ce comportement. Ainsi, remettre les choses au lendemain parce qu’on ne les sent pas le jour même, serait le signe d’une aptitude à prendre plus de recul et à ne pas agir sous la pression. De quoi dédramatiser la situation au profit de la gratification personnelle et faire disparaître le vertige nous disant d’arrêter de se trouver des excuses, qu’il est maintenant trop tard et que nous devons à tout prix lutter contre la paresse et ce cercle vicieux. D’ailleurs, le grand Léonard De Vinci n’a-t-il pas mis plus de 20 ans à terminer certaines de ses œuvres majeures ? Remettre à demain, à la dernière minute, est la seule manière d’atteindre le dernier moment, qui est, peut-être le meilleur moment…
Procrastiner : les vertus de la « pause »
Le concept de pause mis en lumière par la méthode Pomodoro (technique de gestion du temps développée par Francesco Cirillo à la fin des années 1980, découpant un planning, en périodes de travail entrecoupées par des pauses) est primordial. La pause étant aussi bénéfique au corps qu’à l’intellect. Ainsi, décider de reporter une activité - quand bien même est-elle planifiée, se forcer à dire non - car on sent que l’on n’est pas en pleine possession de ses moyens à l’instant T pour la réaliser, est plutôt vertueux. Loin de constituer une « excuse » pour échapper à une échéance, s’offrir une distraction quelle qu’elle soit, est souvent salvateur. Une bonne nuit de sommeil, une session de jardinage ou de méditation, une promenade, une sieste, permettent de retrouver clarté d’esprit et énergie et contribuent à se placer dans de meilleures conditions d’efficacité et de productivité.
Vous l’aurez donc compris, il n’est pas utile de culpabiliser. Le découragement est une chose naturelle tout comme remettre à demain une tâche que l’on juge trop importante. Échouer n’est pas non plus une tare mais plutôt un moyen d’accès à l’apprentissage qui découle de nos expériences. Il est tout de même important d’arrêter de tergiverser pour atteindre ses objectifs plus rapidement et reprendre confiance en vous. Privilégiez donc la bienveillance envers vous-même plutôt que le perfectionnisme qui peut être néfaste puisque parfois inconscient, il peut être source d’insatisfaction et peut générer des troubles anxieux.
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